Des images et vidéogrammes des altercations entre les « hommes en tenue » et les civils alimentent de nouveau les réseaux sociaux. D’aucuns évoquent même de la torture et des bagarres entre policiers et civils au Cameroun. Ils font les choux gras des presses locales, chose qui a réussi à provoquer le courroux du gouvernement camerounais.
En effet, lors d’un point de presse le 10 septembre 2021, le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD), a passé un message poignant à tous les citoyens. Il leur a rappelé que s’en prendre publiquement à un agent de Police ou à tout autre agent des forces de sécurité en plein exercice de ses fonctions, sera désormais considéré comme un casus belli. Un casus belli pour tout dire, est une « déclaration de guerre ». Par la même occasion, ce Haut fonctionnaire de la République a tenu à rappeler les dispositions pertinentes de l’article 156 de la loi n°2016/007 du 12 Juillet 2016 portant Code Pénal. Rappelons que la loi n°2019/020 du 24 décembre 2019 modifie et complète cette loi .
On note aux termes de cet article, diverses sanctions susceptibles d’être prononcées contre quiconque exercerait des violences sur les fonctionnaires. Il s’agit tantôt d’une peine d’un emprisonnement de un (01) mois à trois (03) ans et une amende de cinq mille (5 000) à cent mille (10 000) de francs. Ou encore d’une peine d’emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans et une amende de vingt mille (20 000) à cinq cent mille (500 000) francs si les violences ou voies de fait sont préméditées ou si elles entrainent des blessures même involontairement. On ne saurait par ailleurs exclure la peine peine de mort ou l’emprisonnement à vie. La mesure est valable uniquement si les violences sur un fonctionnaire de police entrainent la mort de celui-là, intentionnelle ou pas.
Cette protection que le Législateur camerounais accorde aux agents des forces de sécurité mérite d’être rappelé par le MINATD. Elle est corrolaire de la noble mission que ces fonctionnaires accomplissent. Ils sont les acteurs principaux pour la lutte contre la criminalité et le maintien de la paix. Mais ce serait un tort que de ne pas crier à la partialité. En effet, on sait que les citoyens subissent également les affres des agents des forces de sécurité. D’ailleurs une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux n’a pas manqué d’interpeler le Délégué Général à la Sureté Nationale. Et c’est dans un communiqué de presse en date du 21 septembre 2021 que ce dernier a condamné fermement le traitement inhumain et dégradant infligé à l’aide d’une machette à un présumé voleur, dans le cadre d’une enquête préliminaire.
On en déduit dès lors que les fonctionnaires de police ont des droits sur lesquels l’Etat veille méticuleusement. Pourtant, dans l’exercice de leurs fonctions, plus précisément dans les rapports qu’ils entretiennent avec les populations, ils sont également assujettis aux obligations (I) dont le manquement n’est pas exempté de sanctions (II).
Nous examinerons ici les principes et valeurs éthiques qui doivent guider le fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions (A). Mais au préalable, il est important de déterminer sa qualité ainsi que ses attributions (B).
Au Cameroun, la police judiciaire est l’autorité chargée de constater les infractions, de rassembler les preuves et de rechercher les auteurs. Les fonctionnaires ayant la qualité d’officiers (OPJ) ou d’agents de police judiciaire (APJ) la composent .
Mais il est courant de confondre les OPJ et les APJ. Pourtant, ces derniers ont un pouvoir moins important que les premiers. Ils se contentent de les seconder dans l’exercice de leurs fonctions et leur rendent directement compte.
Selon l’article 81 (1) du Code de Procédure Pénale (CPP) « les gendarmes non officiers de police judiciaire, les inspecteurs de police et les gardiens de la paix, ont la qualité d’agent de police judiciaire ».
Tandis que l’article 79 du CPP précise quant à lui la qualité d’OPJ . Il s’agit entre autres des officiers et sous-officiers de police judiciaire, gendarmes chargés d’une brigade. De même, ceux chargés d’un poste de gendarmerie, commissaires et officiers de police, les gendarmes et inspecteurs de police ayant satisfait à un examen d’OPJ et ayant prêté serment etc.
En somme, la mission de police judiciaire n’est pas le propre de tous les policiers. Et la police judiciaire n’est pas uniquement composée de policiers. Certains gendarmes, mais encore les maires et leurs adjoints possèdent la qualité d’officier de police judiciaire (cf. article 131 du Code Pénal).
QU’ils soient qualifiés d’OPJ ou APJ, les fonctionnaires de police sont des auxiliaires de la justice. Ils sont chargés de veiller à la protection et au respect des institutions, des personnes et des biens .Mais également, ils concourent au respect, ainsi qu’à la garantie des libertés et droits fondamentaux des citoyens. Ils favorisent également l’exécution des décisions de justice. Tout simplement, en prêtant main forte aux agents d’exécution lorsqu’on les sollicite.
Pour l’accomplissement de certaines de leurs attributions prévues aux articles 82 et suivants du CPP, ils sont tenus au respect des principes et valeurs éthiques de leur profession dans ses rapports avec les populations.
Nous allons essentiellement nous appesantir sur les fonctions des OPJ lorsqu’il est au contact des populations. En effet, le Décret n°2012/546 du 19 novembre 2012 portant code déontologique des fonctionnaires de la sureté nationale, impose à ces professionnels, entre autres de :
Par ailleurs, dans le cadre des contrôles routiers par exemple, avant d’instrumenter, l’OPJ doit au préalable prouver sa qualité au contrevenant des infractions en matière de circulation routière. Ceci se fait par la production de sa carte professionnelle ou autre document d’habilitation. Et le cas échéant, par la présentation d’un ordre de mission. Lorsqu’il perçoit une amende forfaitaire, il doit délivrer un reçu sur le champ. L’on tire ce reçu d’un carnet à souches spécial coté et paraphé par le Parquet compétent.
Il est important de préciser que le paiement de l’amende forfaitaire est facultatif . L’OPJ verbalisateur a l’obligation d’en informer le contrevenant. Il doit également s’abstenir de toute mesure vexatoire ou d’intimidation à l’égard du contrevenant. Cette mesure est valable même s’il refuse de payer l’amende (cf. articles 613 & 614 du CPP). De tout, il doit dresser un procès-verbal et le transmettre au Procureur de la République compétent. Lui seul a l’opportunité des poursuites.
Le manquement aux obligations éthiques et déontologiques ci-dessus abordées, expose le fonctionnaire de police à des sanctions. Abordons les sans plus tarder .
Le fonctionnaire de police ne jouit pas d’une immunité de poursuite en cas de faute préjudiciable à un civil. Nous aborderons préalablement les infractions dont pourrait se rendre coupable (A) ce professionnel. Puis il importe de préciser le régime de sanctions prévu (B).
L’OPJ ou le fonctionnaire de police en général peut, dans l’exercice de ses fonctions, causer des dommages. Ils peuvent etre matériel, corporel et moral .
Il est dès lors punissable par le législateur camerounais en cas d’atteintes à l’intégrité d’un tiers. Le préjudice peut se révéler physique, morale ou encore une atteinte à la fortune d’autrui.
On peut retenir une pléthore d’infractions contre lui, au rang desquelles:
Lorsque l’une ou plusieurs des infractions ci-dessus est caractérisée vis-à-vis du fonctionnaire de police, il est passible de sanctions dont le régime mérite un intérêt particulier.
Le fonctionnaire de police qui a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions, est passible de sanctions. Elles sont soit civiles (1), disciplinaires (2), ou pénales (3).
Dès lors qu’on poursuit un OPJ pour l’une des infractions ci-dessus si le juge retient sa culpabilité, il peut écoper de plusieurs peines. Elles vont de la peine de mort, à une peine d’emprisonnement à vie, ou à terme. Ces peines sont appréciables selon la gravité de l’infraction.
Il peut également être condamné à verser une certaine somme d’argent au Trésor Public sous forme d’amende : ce sont les peines principales, qui peuvent être accompagnées de peines accessoires, telles que les déchéances (art.30 CP), la publication du jugement (art.33 CP), le placement sous surveillance judiciaire et la confiscation du corps du délit (cf. arts. 34-1 & 35 CP).
Les peines alternatives que sont la sanction réparation et le travail d’intérêt général pourraient suppléer ces peines (cf. art. 26 CP). Néanmoins, on déplore toujours l’absence du texte d’application.
Le fondement de la responsabilité civile du fonctionnaire de police est l’article 1382 du Code Civil. Aux termes de celui-ci, toute personne qui cause un dommage à autrui doit le réparer. Cette réparation s’applique à tous les dommages. Aussi bien au matériel, aux biens d’autrui, qu’aux atteintes à l’intégrité physique ou morale d’un individu.
Prenons ainsi pour exemple le cadre de la garde à vue abusive dont a été victime le suspect. L’article 236 du CPP dispose que « toute personne ayant fait l’objet d’une garde à vue ou d’une détention provisoire abusive peut, lorsque la procédure aboutit à une décision de non-lieu ou d’acquittement devenue irrévocable, obtenir une indemnité si elle établit qu’elle a subi du fait de sa détention un préjudice actuel d’une gravité particulière ».
Par conséquent, la victime des affres perpétrées par un fonctionnaire de police peut, sur le fondement de l’article 59 du CPP, séparation ou conjointement à l’action pénale mise en mouvement, solliciter sa condamnation au paiement des dommages-intérêts, en guise de réparation du préjudice souffert.
Au cours de l’enquête préliminaire diligentée par un fonctionnaire de police, celui-ci peut violer les droits du suspect. De fait, c’est le cas si on utilise la violence et la torture pour obtenir des aveux. Il peut également se rendre coupable de manquements, négligences ou fautes professionnelles. Ceci concerne plus précisément certains principes et valeurs édictés par le Code déontologique des fonctionnaires. Il peut en outre commettre l’une des infractions ci-dessus énoncées. Si on le dénonce et si on prouve les faits , le fonctionnaire de police encourt des sanctions disciplinaires, en plus des poursuites judiciaires.
Ces sanctions disciplinaires sont de divers ordre et diffère selon le corps de fonctionnaire concerné ou encore le grade du mis en cause. Mais de manière générale, le Décret n° 2001/087 du 12 mars 2001 portant Statut Spécial du Corps des Fonctionnaires de la Sûreté Nationale distingue 17 (dix-sept), regroupées par ordre de gravité croissante en trois catégories. Dans cette hiérarchie on retrouve :
– Les sanctions de première catégorie, que sont la réprimande, le tour de service supplémentaire, la consigne, la cellule, la prison. De plus la mise aux arrêts de rigueur, la mise à pied sans traitement pour une durée de 1à 7 jours
– Les sanctions de deuxième catégorie, à savoir l‘avertissement, le blâme avec inscription au dossier, la mise à pied sans traitement pour une durée de 08 à 20 jours, la radiation du tableau d’avancement ou de la liste d’aptitude, le retard à l’avancement d’une durée d’un (01) an).
– Les sanctions de troisième catégorie qui regroupent l‘exclusion temporaire du service pour une durée de trois (03) mois à un (01) an, l’abaissement d’échelon, l’abaissement de grade, la révocation avec ou sans suspension des droits à pension, la révocation avec suspension des droits à pension,
Cette liste de sanctions disciplinaires des fonctionnaires de police n’est pas exhaustive. Les exemples ci-dessus ne sont qu’illustratifs. En définitive il existe une kyrielle de sanctions disciplinaires. Leur application est, selon la gravité de la faute et du grade du fonctionnaire, laissé à la discrétion du supérieur hiérarchique, du chef de corps ou par le Président de la République.
En conclusion, nonobstant sa noble mission de lutte contre la criminalité , de protection des biens et des personnes un certain nombre d’obligations assujettissent le fonctionnaire de police. Leur manquement n’est pas exempt de sanctions. En d’autres termes, il n’est pas au dessus de la loi. Et, en cas de faute ou de commission d’une infraction, on peut le condamner à de lourdes sanctions pénales, civiles et disciplinaires.
Cependant la procédure judiciaire contre le fonctionnaire de police demeure un frein à l’égalité de tous devant la justice. Ce dernier, bénéficiant d’un privilège de juridiction en cas d’incidents avec les civils. Ce privilège est consacré par l’article 634 alinéa 2&3 du CPP. Des poursuites judiciaires peuvent etre dirigées contre un fonctionnaire de police pour deux cas. Soit pour les faits qui lui sont personnellement imputables, soit pour des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Il faut préalablement porter ces atteintes à la connaissance du chef de corps, par plainte ou dénonciation. Celui-ci a l’obligation d’ouvrir une enquête, avant de saisir les juridictions d’ordre judiciaire .
Pour la préservation de vos droits en tant que victime ou auteur d’une infraction, les Avocats du cabinet B&P Law Firm vous conseillent et vous assistent.
1 Comment
Merci de nous éclairer relativement à nos droits face aux OPJ et surtout à propos de leurs devoirs.