Avant d’aborder ce thème, je vous invite à lire cet article via le lien ci-après : (https://www.facebook.com/101439911906835/posts/115805067136986/), précédemment publié qui porte sur « le pacte Commissoire ». Il a pour but à l’instar de la saisie immobilière de permettre au Créancier de surmonter les difficultés de recouvrement des créances en lui permettant de devenir propriétaire du bien gagé dans le cas d’inexécution par le débiteur de son obligation principale. Cependant, ce dernier n’est pas contraint pour réaliser sa sureté de recourir à la justice contrairement à ce qui est exigé dans le cadre d’une saisie immobilière.
La pratique courante des Affaires contraint très souvent les débiteurs à se retrouver dos au mur face aux créanciers en quête de recouvrement de leur créance.
Ainsi, il est d’usage fréquent pour ces derniers en raison de la stabilité et de la valeur économique des immeubles, de mettre en œuvre la procédure de saisie immobilière.
Il faut préciser par ailleurs que le débiteur défaillant ayant souscrit à des engagements à l’égard du créancier peut se retrouver dans une situation économique défavorable ; ce qui rend difficile la possibilité de désintéressement total de ce dernier.
C’est pour cette raison que le Législateur OHADA a mis en œuvre la Procédure de saisie immobilière, issu de l’acte Uniforme portant Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution (AUPSRVE), adopté le 10 avril 1998.
Ce texte tient lieu de droit positif pour l’ensemble des Etats membres de l’OHADA depuis son entrée en vigueur.
La saisie immobilière est la voie d’exécution par laquelle un créancier poursuit la vente, par expropriation forcée, des immeubles du débiteur défaillant. Elle a un caractère subsidiaire, en ce que le créancier qui souhaite recourir à l’exécution forcée doit, dit le deuxième alinéa de l’article 28 de l’AUPSRVE, commencer l’exécution sur les biens meubles du débiteur. L’exécution sur les immeubles ne peut avoir lieu que soit, s’il s’agit d’un créancier hypothécaire exécutant sur l’immeuble hypothéqué, ou soit lorsque les biens meubles du débiteur sont insuffisants.
C’est compte tenu de la nécessité à protéger le débiteur contre des créanciers malveillants que l’acte uniforme impose des obligations légales et procédurales strictes.
Sous ce rapport, la question essentielle qui ressort est la suivante : quelles sont les principales mesures mises en œuvre par le législateur OHADA dans l’optique d’assurer une protection efficace du débiteur soumis à une procédure de saisie immobilière ?
Il sera question dans cette première partie de nous appesantir sur le cadre normatif mis en place par le législateur OHADA en vue de garantir cette protection à l’égard du débiteur (I) soumis à une procédure de saisie immobilière sans oublier d’évoquer les contraintes procédurales auxquelles les créanciers sont soumis (II) rendant ainsi difficile la mise en œuvre de leur garantie.
L’encadrement normatif protégeant les droits du débiteur se résume en un certain nombre d’actes obligatoires que le Créancier est tenu d’accomplir afin de procéder à la réalisation de la garantie immobilière.
Elles tiennent au sujet saisi (A), au titre exécutoire, à la propriété et à sa situation juridique (B).
A) CONDITIONS RELATIVES AU SUJET SAISI : LES LIMITES AU DROIT DE SAISIR
Le créancier qui souhaite recourir à l’exécution forcée peut être confronté à trois obstacles : l’immunité d’exécution, la procédure des défenses à exécution ou suspension de l’exécution, ainsi que le droit de grâce reconnu à la juridiction compétente.
1- L’immunité d’exécution et ses limites
Il est de principe que les mesures d’exécution forcée, ne s’appliquent à l’encontre des bénéficiaires de l’immunité d’exécution (article 30 de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution). Il s’agit des personnes morales de droit public et des entreprises publiques.
Cependant, une jurisprudence récente a apporté une limite au principe sus évoqué. On peut retenir de cette décision du Juge supranational ce principe : « Une Entreprise publique possédant la majorité des parts au sein d’une Entreprise privée ne peut se prévaloir du privilège de l’immunité d’exécution ». L’on doit comprendre de la lecture de l’article 30 de l’AUPSRVE que l’immunité d’exécution est rattachée à la qualité de personne morale de droit public ou d’entreprise publique. Elle profite à l’État ou ses démembrements et non aux personnes morales de droit privé créées conformément aux dispositions de l’AUSCGIE. (CCJA, 1ière Chambre n°367/2020 DU 26 Novembre 2020).
2- Les défenses à exécution
Appelées également suspension de l’exécution, les défenses à exécution consistent pour un juge à ordonner la suspension de l’exécution forcée d’un titre. L’article 76 du Code de procédure civile, confère au juge d’appel le pouvoir d’accorder les défenses à exécuter lorsque « l’exécution provisoire a été ordonnée par le jugement dont appel alors qu’elle ne devait pas l’être ». Ainsi, lorsqu’elles sont ordonnées, les défenses à exécution constituent un obstacle à l’exécution forcée. Deux situations peuvent donner lieu, dans un jugement, à une clause d’exécution provisoire. La première est celle dans laquelle l’exécution provisoire est ordonnée même d’office sans caution dans les cas ci-après : (existence d’un titre authentique, promesse reconnue, condamnation précédente par un Jugement dont il n’y ait pas appel). La deuxième hypothèse est celle où le caractère exécutoire résulte d’un texte (article 49 alinéa 3 AUPSRVE).
3- Le délai de grâce
Aux termes du deuxième alinéa de l’article 39 de l’AUPSRVE, la juridiction compétente peut, sauf lorsqu’il s’agit des dettes d’aliments ou des dettes cambiaires, soit reporter, soit échelonner le paiement de ce qui est dû par le débiteur. Elle peut également décider que les paiements s’imputent d’abord sur le principal.
La juridiction compétente a donc la possibilité de mettre en échec l’exécution forcée en accordant au débiteur soit un délai de grâce, ou un échelonnement du paiement. Dans la prise de cette décision, cette juridiction doit rechercher à trouver un équilibre entre la situation du débiteur et les besoins du créancier. Dans son arrêt n° 025/2004 du 15 juillet 2004, la CCJA a jugé que dans l’examen d’une demande d’une mesure de grâce, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation. Protégeant le créancier contre l’usage abusif des mesures de grâce, le législateur OHADA a fixé celles-ci dans une limite temporelle. En effet, elles ne peuvent être accordées pour une période de plus d’une année.
B) LES CONDITIONS TENANT AU TITRE EXECUTOIRE, A LA PROPRIETE ET À SA SITUATION JURIDIQUE
1– La nature du titre exécutoire
La saisie immobilière ne peut être menée qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance exigible et liquide. L’article 247 de l’AUPSRVE précise qu’elle peut être pratiquée même en vertu d’un titre exécutoire par provision et pour une créance non liquidée. Dans ce cas, la vente n’interviendrait qu’après que le titre soit devenu définitivement exécutoire, et la créance liquidée.
2- Propriété de l’immeuble
L’immeuble faisant l’objet d’une saisie ne peut pas faire partie intégrante de la part indivise d’un immeuble sauf s’il y a eu partage ou licitation.
Par ailleurs, lorsque l’immeuble appartient en commun aux époux, les poursuites sont engagées contre les deux conjoints.
De même, lorsque les immeubles du débiteur sont situés dans différents ressorts, la vente forcée ne peut être poursuivie au même moment, elle doit être successive. On peut toutefois procéder à une vente simultanée lorsque les immeubles font partie d’une même exploitation, ou avec l’autorisation de la juridiction compétente. L’autorisation n’est accordée que dans le cas où les immeubles situés dans un même ressort sont insuffisants pour désintéresser le créancier.
3- La situation juridique de l’immeuble
La saisie immobilière ne peut être pratiquée que sur un immeuble enregistré. Lorsque l’immeuble n’est pas enregistré, le créancier doit solliciter son immatriculation auprès du conservateur des titres immobiliers. L’enregistrement ainsi demandé est fait au nom du débiteur. Le président du tribunal n’a aucune compétence pour procéder à l’enregistrement d’un immeuble. Ce pouvoir, appartient exclusivement au conservateur des titres immobiliers. Ce dernier reste la seule autorité qui apprécie si l’immeuble concerné peut ou non être enregistré au nom du débiteur.
Il est visible en parcourant les dispositions de l’Acte Uniforme OHADA sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’Exécution que le législateur OHADA a voulu sécuriser à l’extrême les Droits du débiteur soumis à une procédure de saisie immobilière.
Car le formalisme imposé aux Créanciers est complexe et ne peut être mis en œuvre que par des professionnels expérimentés au risque de voir la procédure annulée.
Ainsi, nous allons analyser dans cette partie les étapes de la saisie Immobilière en mettant l’accent sur le service du Commandement par l’Huissier (A), la préparation de la vente et la vente proprement dite (B).
A) LES FORMALITES PREPARATOIRES À LA VENTE
En matière immobilière, le commandement aux fins de saisie est prescrit à peine de nullité. On ne peut donc pratiquer une saisie immobilière sans commandement préalable. Lorsque la saisie concerne plusieurs immeubles, un seul commandement suffit (Art 257). Il doit contenir des mentions obligatoires fixées à l’article 254 AUPSRVE.
En plus, il doit être signifié au débiteur et éventuellement, au tiers détenteur de l’immeuble. Dans le cas où l’immeuble est détenu par un tiers, la signification contient une sommation soit de payer l’intégralité de la dette, soit de délaisser l’immeuble hypothéqué, soit encore de subir l’expropriation. En cas d’impenses, la signification du commandement est également faite à l’autorité administrative ayant affecté le terrain au débiteur. Lorsque la saisie vise un immeuble non enregistré, le commandement ne peut être signifié qu’après la réquisition d’immatriculation adressée au conservateur des titres immobiliers. (Art 254).
Après l’avoir signifié, l’huissier fait viser l’original du commandement par le conservateur des titres immobiliers. Une copie dudit commandement, après visa, est remise à ce dernier pour sa publication à intervenir dans les trois mois de la signification. Dépassé ce délai, le créancier doit reprendre toute la procédure.
Lorsqu’il y a plusieurs commandements qui portent sur un même immeuble, la transcription est faite par ordre d’arrivée. En marge de chacun, le conservateur mentionne les commandements antérieurs déjà transcrits.
B) LA PREPARATION A LA VENTE ET LA VENTE PROPREMENT DITE
Cette étape cruciale du déroulement de l’acte de saisie exige du créancier une diligence et une dextérité extrême. Il devra accomplir ces formalités dans les délais impartis par le Législateur OHADA sous peine d’annulation.
Ces étapes sont impératives de telle sorte que l’issu de l’une d’elles conditionne la suite de la procédure. Ainsi, il devra rédiger et déposer le cahier de charge, s’assurer de la publicité en vue de la vente, faire sommation au débiteur et aux autres créanciers poursuivants de prendre connaissance du cahier de charge et d’y mentionner leur dire et observations et enfin préparer l’audience éventuelle.
Le Cahier de charge est un document rédigé et signé par l’avocat du créancier poursuivant, précisant les conditions et modalités de la vente de l’immeuble saisi. Il devra être déposé au greffe de la juridiction compétente dans un délai de 50 jours à compter de la publication du Commandement. Celui-ci devra être signifié au débiteur ou au tiers détenteur de l’immeuble.
La publicité doit être réalisée au plus tôt trente jours, et au plus tard quinze jours avant l’adjudication (Art 276 AUPSRVE) contenu prescrit à peine de nullité.
La vente se déroule au jour fixé dans l’acte d’adjudication. Cependant si une remise est ordonnée par une décision de la juridiction compétente pour motifs graves et justifiés faite à la requête de l’une des parties, celle-ci devra être motivée. Le Créancier poursuivant sera dès lors contraint de procéder à une nouvelle publicité. La vente se fait sur réquisition verbale de l’Avocat du créancier poursuivant ou tout créancier inscrit publiquement qui indique le montant des frais de poursuites préalablement taxés par le Président de la Juridiction compétente. Il est formellement interdit aux Avocats sous peine de sanction de l’adjudication et de Dommages-Intérêts de faire des enchères pour le compte des membres de la juridiction ou du notaire devant lequel l’adjudication est faite, du saisi, d’une personne notoirement insolvable ainsi que pour son propre compte.
L’adjudication est faite au profit de l’adjudicataire qui fait l’offre la plus élevée qui n’a pas été dépassée avant l’extinction des 3 bougies allumées successivement ; ou du poursuivant pour le montant de la mise à prix s’il n’y a pas eu d’enchère. Elle est prononcée par Procès-verbal du notaire ou par décision judiciaire.
Après l’adjudication la décision est portée en minute à la suite du cahier de charge. Le notaire ou greffier délivre à l’adjudicataire l’expédition de la décision ou le procès-verbal. Lorsque c’est le créancier qui a été déclaré adjudicataire, il n’est tenu qu’au paiement de frais de la procédure et de la partie du prix supplémentaire de la créance. Dès que l’adjudication devient définitive, une expédition de la décision judiciaire ou du Procès-verbal d’adjudication est déposée à la conservation des livres immobiliers aux fins d’inscription. Cette formalité doit sous peine de folle enchère être accomplie dans un délai de 2 mois.
CONCLUSION
En somme, la saisie immobilière est l’ultime recours du Créancier souvent excédé par la défaillance de son débiteur, lorsque ce n’est pas le caractère récalcitrant de ce dernier qui le contraint à s’y résoudre pour obtenir, enfin, le paiement de sa créance. Cependant, il nous a été donné de constater que le législateur OHADA rend la tâche plus ardue en instituant un cadre normatif rigoureux associé à des procédures complexes et coûteuses qui mettent à mal l’exécution aisée de ce mode de recouvrement même pour les professionnels que sont les huissiers de justice, les avocats etc.
Ainsi, au surplus, cette « protection en béton » dont bénéficie le débiteur saisi n’est pas sans graves conséquences dans la pratique. En effet, très facilement le créancier peut se trouver à la merci de son débiteur qui prend appui sur cette législation afin de ne pas honorer ses engagements. Il urge dès lors de ce que cette procédure soit assouplie en vue de préserver, et ce, équitablement les intérêts de tous les acteurs intervenants dans ce processus.